Il y a énormément de belles expositions à Lyon en ce moment, j’en ai vu plusieurs dont je dois vous parler (et quelques autres que je n’ai pas encore vues…). Mais commençons par celle que j’ai vue la semaine dernière, la rétrospective Bernar Venet – 2019-1959.
Oui, vous avez bien lu, c’est bien 2019-1959. Tout simplement parce que le parcours de visite se fait de manière antichronologique. Peut-être est-ce pour mettre l’accent sur les dernières réalisations de l’artiste, qui sont probablement celles qui l’ont fait connaitre au grand public ? (je pense par exemple à son exposition dans les jardins du Château de Versailles en 2011 ou à Marseille-Provence Capitale de la Culture en 2013). En tout cas, c’est assez intéressant de remonter jusqu’à 60 ans en arrière et de réfléchir au cheminement artistique qui a permis à Bernar Venet d’arriver à ces structures monumentales.
Ligne aléatoire, les œuvres de la reconnaissance
Au premier étage, on est tout d’abord accueilli par une sorte de coin atelier, comme une mini reproduction de l’usine où travaille Bernar Venet, rehaussé de la formule qui sert de leitmotiv au travail de l’artiste : L’objet n’est pas la fin, mais la matière de l’art.
Puis on rentre enfin au contact des œuvres, à commencer par les plus récentes, donc, et à parcourir ce premier étage, on se rend vite compte que deux éléments principaux animent le travail de Bernar Venet : la ligne -droite, brisée, courbe voire indéterminée-, et l’aléatoire.
Ce sont ces deux éléments qui ont permis à l’artiste de réaliser ces grandes plaques d’acier, à partir de gribouillis –c’est-à-dire de lignes aléatoires- agrandis des dizaines de fois. Plus loin, c’est encore plus flagrant avec le résultat d’une performance réalisée le jour du vernissage à l’aide d’une barre d’acier (la ligne) encrée et manipulée de manière aléatoire.
Même idée encore avec cet « effondrement », autre performance réalisée le jour du vernissage : une quinzaine de barre d’aciers sont posées contre le mur, l’artiste pousse la première qui fait tomber les autres au sol comme des dominos, formant ainsi un entrelacs aléatoire.
On finit le parcours avec d’autres œuvres faites avec cet acier corten (un acier traité dont l’oxydation lui confère plus de résistance, notamment aux agressions climatiques).
A noter que des œuvres encore plus grandes sont à voir à trois endroits de la ville : Place Antonin Poncet (attention, elles partent lundi 26 novembre pour préparer la Fête des Lumières), dans le jardin du Musée des Beaux Arts, et à Confluence, vers le Cube Vert.
L’époque mathématique et la saturation
Au deuxième étage, on remonte un peu le temps pour se retrouver dans les années 60 à 80s. On passera rapidement sur les premières œuvres très géométriques -au sens littéral, puisque les angles sont carrément indiqués sur les toiles- pour se concentrer sur cette série de lignes et d’arc de cercles qui semblent préfigurer les œuvres suivantes. N’y voit-on pas déjà de l’acier ? Et bien non, il s’agit là de bois. Quant au sens des œuvres, n’allez pas chercher trop loin non plus. A cette époque, Bernar venet avait repris des études de mathématiques et se passionnait pour la monosémie (propriété pour une œuvre d’avoir une seul interprétation, par opposition à la polysémie (plusieurs interprétations possibles) ou la pansémie (toutes interprétations possibles)). Ce que vous voyez est donc ce qu’il faut voir, rien de plus. Perturbant, non ?
A ce même étage, pour des raisons de cohérence dans l’exposition, on retrouve également des peintures très colorées que l’artiste a faites dans les années 2000 et qui consistent en des superpositions de théories scientifiques. C’est coloré, c’est beau, mais pour moi c’est plus de la déco qu’autre chose.
Peut-être que cela a plus de sens mis en regard d’une autre performance réalisée lors du vernissage, ou encore de la nuit Bernar Venet le mercredi 21 novembre, qui consistait à demander à plusieurs scientifiques d’exposer leur théories (ou des officiels leur discours) oralement simultanément, saturant ainsi l’espace sonore. Qui écoute de toute façon ?
Les prémices en carton et goudron
Au dernier étage, l’exposition présente donc les premières œuvres de Bernar Venet, avant que celui-ci ne partent pour les Etats-Unis en 1966. A l’époque, c’était un jeune artiste pas encore reconnu, il utilisait donc des matériaux de récupération, notamment pas mal de cartons, d’abord peints au goudron, par coulure –ligne aléatoire- ou par saturation. Il intitule d’ailleurs ces œuvres « goudrons », puisque pour lui la matière est plus importante que l’œuvre.
Puis ses œuvres en carton seront plus travaillées, en volume et recouverte –jusqu’à saturation encore une fois- de peintures de carrosserie, jusqu’à ressembler à des capots de voiture
Visites commentées
J’ai beaucoup appris en faisant la visite commentée. Je n’ai pas noté le nom de la guide, mais elle était vraiment super, c’est celle qui est dans le petit teaser ci-dessous. Il y a plein de visites organisées, je vous encourage vivement à en suivre une : commentées en 1h30 les samedis et dimanche à 15h30, en 1h les vendredis à 12h30 ou dimanche à 12h, thématiques (: C’est du lourd : matériaux et processus dans l’œuvre de Bernar Venet ; Les mathématiques, c’est systématique ! Quelques formules utilisées par les artistes d’hier et d’aujourd’hui ; Le corps en action), ateliers pour enfants, etc…
Bernard Venet, 2019-1959
Jusqu’au 6 janvier 2019
Musée d’Art Contemporain de Lyon
Cité Internationale
81 quai Charles de Gaulle
69006 Lyon
http://www.mac-lyon.com/mac/sections/fr/en_cours/bernar_venet/