La semaine dernière, je vous parlais du Festival Nouvelles Voix en Beaujolais organisé par le Théâtre de Villefranche. C’est dans ce cadre que j’ai eu le plaisir de poser quelques questions à Santa et Line, les deux filles de Hyphen Hyphen, quelques heures avant leur concert de samedi.
Bonjour Santa et Line, pouvez-vous présenter le groupe en quelques mots ?
Santa : On s’appelle Hyphen Hyphen. On vient de Nice et on est ensemble depuis 4-5 ans. Il y a un batteur, Zaccharie, Adam à la guitare, Line à la basse et moi, Santa, au chant.
J’ai lu que vous étiez copains de lycée, c’est vrai ?
Line : Oui, on s’est rencontrés là-bas quasiment tous. Santa et Adam se connaissent depuis qu’ils sont tout petits, mais Nice c’est assez petit, donc on s’est croisés très vite.
Santa : On s’est croisés au lycée et, ce qui nous a réunis, c’est l’ambition de faire un projet après le lycée, qui puisse nous faire vivre et qu’on grandisse à travers ça.
Depuis combien de temps faites-vous de la musique ?
Line : On a tous commencé au même âge, quand on était adolescents et on a débuté le groupe à la fin du lycée. Il n’y a que Zak qui est au conservatoire, sinon on a tous appris un peu comme ça.
Santa : J’ai un peu étudié le piano, mais on est plutôt autodidactes.
Comment décririez-vous votre musique ?
Santa : C’est dur comme question mais, ce qui est agréable quand on fait de la pop, c’est qu’on peut mettre tout ce qu’on veut à l’intérieur pour exprimer une émotion de la manière la plus sincère. On fait de la pop et du coup chaque chanson a son propre son, et décrire notre musique globalement, c’est toujours difficile. Donc, c’est de la pop et on chante en anglais. Ce qui peut nous caractériser, c’est la recherche de grandes émotions : chaque chanson est un enjeu et un espoir. On n’arrive pas à faire quelque chose de naïf, par exemple. Peut-être parce qu’on compose à 4 ? On conscientise beaucoup la recherche du beau, du coup on est obligés d’apposer des mots et des images et dans notre quête du beau, on doit toujours avoir un enjeu, une résolution. Un peu comme un bon Walt Disney.
Plus précisément, comment travaillez-vous pour écrire les morceaux ? Vous travaillez à 4, donc ?
Line : Oui, on est 4 producteurs. Au départ, c’est assez individuel comme principe : on crée plein d’instrus chacun de notre côté et ensuite, dès qu’on en est fiers, on les présente aux autres en expliquant un peu ce qu’on a voulu faire, ou parfois pas du tout. Et quand ça intéresse les autres, ils récupèrent le projet et ils le remixent en disant : « regarde, moi je le verrais plutôt comme ça ». Ensuite Santa pose des voix dessus. Mais parfois, on prend aussi ses voix et on les mets sur d’autres instrus. Une fois qu’on est tous d’accord, on se rejoint tous les 4 et on travaille dans la même direction.
De quoi parlent généralement vos chansons ? Est-ce qu’il y a une thématique qui revient ?
Santa : Ce sont les grandes émotions, en fait. Sans tomber dans le pathos, je dirais que la grande thématique c’est l’espoir. Etre là pour l’autre, essayer d’exister dans quelque chose qui nous dépasse, trouver l’union.
J’ai lu que l’art vous inspirait beaucoup ?
Santa : Je pense qu’un artiste, aujourd’hui, existe à travers tous les médiums. Nous, on est un peu des control freaks, dans le sens où on aime tout gérer, jusqu’au visuel. Donc oui, dans les arts, on s’inspire de tout. On s’inspire beaucoup d’images, par exemple, pour essayer de trouver les émotions qu’on aimerait retranscrire ensuite en musique. De la même manière, c’est dans la continuité du projet Hyphen Hyphen de proposer des visuels pour défendre notre musique.
Et vos inspirations par exemple ? Qu’elles soient musicales ou autre ?
Santa : Il y a plein de choses… Pour la pochette, par exemple, on s’est inspirés de là où on vit : le bleu et l’or, c’est la Côte d’Azur, c’est ce qui rayonnait dans nos têtes et parce qu’on a composé là-bas et qu’on y vit encore, à Nice. Et en cinéma, on adore Spielberg et Tarantino. A eux deux ils peuvent conjuguer des ambiances très sombres mais toujours avec un peu d’hystérie. Et un bon Spielberg, ça t’emmène ailleurs, tout en changeant les codes de la réalité. J’aime beaucoup sa manière de travailler. Ce sont deux pointures pour nous, en tout cas pour décrire notre musique.
Santa tu as travaillé avec Guy Roche, le coach vocal de Beyoncé et Christina Aguilera, qui est venu des Etats-Unis pour te coacher.
Line : Oui, il est venu dans sa villa, à Coco Beach, c’est là qu’on a enregistré les voix.
Coco Beach ?
Santa : Coco Beach c’est le quartier où j’habitais à Nice, C’est un super quartier, à côté de la mer, un peu américanisé.
Comment on fait pour faire venir quelqu’un comme ça ?
Santa : On l’appelle (rires). En fait, c’est notre manager, Antoine, qui le connaissait de projets précédents, qui l’a fait venir, car il fallait que ma voix soit canalisée. Je n’ai jamais pris de cours de chant, j’ai toujours chanté à l’instinct. Ce qui est beau, c’est que sur les maquettes on a gardé plein de moments où, justement, c’est tellement instinctif qu’on a quelque chose de fragile. Mais il fallait quelqu’un qui précise encore plus les émotions, qui rende la chose américaine, quoi. Et Guy Roche c’était la personne idéale parce que c’est une bête de travail, comme nous. C’était une magnifique rencontre parce qu’il est très exigeant et il a toujours la volonté d’être dans le meilleur.
Rendre la chose « américaine », c’est une ambition ?
Line : Oui, complètement.
Santa : On est fascinés par l’Amérique. Ma mère est américaine, elle a toujours voulu que je sois fière d’être française, mais j’ai les vagues familiales américaines forcément.
Line : Ca fait vraiment partie de nos ambitions, de s’exporter. Pas uniquement l’Amérique, en fait, mais c’est vrai que si on a l’Amérique un jour, ça fera un gros check sur notre liste (rires).
Santa : Et puis, il y a aussi l’idée qu’on fait de la musique anglaise. Par exemple, quand on est allés au Canada, les gens comprenaient beaucoup plus nos références, la musique qu’on voulait formuler. En France, ça se passe très bien et pour l’instant, touchons du bois, les critiques sont vraiment superbes. Mais, j’ai l’impression que quand on va dans un pays un peu plus anglophone, comme la Belgique du côté flamand, il y a plus une culture de l’anglais.
Je pense que pour la plupart des français (dont moi, je l’avoue), le chant en anglais c’est un instrument de plus en fait.
Line : C’est aussi comme ça qu’on le conçoit, c’est pas grave.
Mais du coup il y a peut-être une partie de ce que vous voulez faire passer qui ne passe pas ?
Santa : Je pense que les paroles précisent simplement l’émotion qu’on veut donner. Nous aussi, on conçoit le chant comme un instrument, c’est pour ça qu’on ne se voit pas chanter en français. S’il y avait une compréhension directe de l’auditoire, je pense qu’il manquerait le recul nécessaire. On privilégierait plus le sens des mots que l’émotion que l’on veut faire passer. J’aime bien l’idée justement qu’on ne comprenne pas directement tout (même si on a fait l’effort que nos paroles soient très bien prononcées et compréhensibles), mais qu’il y ait toujours ce petit recul pour laisser la langue s’exprimer et les personnages vivre.
Votre premier album, Times, est sorti il y a quelques semaines. Est-ce que vous pouvez me dire quelques mots sur l’enregistrement ?
Santa : On l’a enregistré à ICP à Bruxelles, c’était super. On y est retournés, d’ailleurs.
Line : Oui, on adore ce studio.
Santa : Et on adore la Belgique aussi, c’était notre première rencontre avec les Belges. Et surtout, ça nous a donné envie de devenir aussi des musiciens de studio. On vient de la scène, on en a toujours fait beaucoup. Depuis le lycée, on a eu la chance de faire plus de 200 dates à travers toute la France et, du coup, le studio c’était un challenge pour nous. L’album est le fruit de cette année de recherche, de composition à 4. L’important est surtout d’être devenus des producteurs et d’être libres de ce que l’on veut produire.
Vous avez effectivement beaucoup tourné, en faisant plus de 200 concerts. Ça vous plait la scène j’imagine ?
Line : On vient de là, on a appris avec ça surtout, et on ne pourrait pas imaginer ne pas tourner.
Santa : C’est surtout, selon nous, la manière la plus directe de parler aux gens, de vivre nos mots et notre musique de manière instinctive et de manière encore plus sincère.
D’où vient le nom Hyphen Hyphen ?
Santa : Cela veut dire le « trait d’union » en anglais, l’envie d’unir les gens.
Et pourquoi pas juste Hyphen ?
Santa : Parce qu’on veut prendre plus de place sur les affiches (rires).
Y-a-t-il un musicien, un groupe avec qui vous aimeriez jouer ? Dans vos rêves les plus fous par exemple…
Line : Il ne faut pas prendre quelqu’un de trop fort, tu vois, parce qu’on serait hyper impressionnés, donc ça n’aurait pas d’intérêt. Peut-être Seinabo Sey. On aime bien son dernier album, elle chante très bien et on aimerait bien jouer avec elle.
Est-ce que vous avez un coup de cœur musical à partager.
Santa : Et bien Seinabo Sey justement
Line : On aime bien Movment aussi
Moi je suis de Lyon, je sais que vous y avez déjà joué, mais est-ce que vous connaissez ?
Line : Oui, mes grands-parents habitent à Lyon. Et on a fait les Nuits Sonores au Transbo, on en a un super souvenir, on s’est éclatés, on aime beaucoup cette ville.
Un endroit à conseiller à Lyon alors ?
Line : On avait joué aussi au Ninkasi, c’était super. La salle était cool, c’était punk comme truc (rires).
Santa : Très bon burger, très bonne brasserie.
Line : Oui, les bières sont super bonnes.
Santa : Sinon, nous n’avons pas beaucoup visité… Ah si ! La magnifique place, avec une grande statue…
La place Bellecour ?
Santa : Oui, c’est ça. On conseille cet endroit (rires)
Et à Nice, vous conseillerez quoi comme lieu ? Un bar, un quartier…
Santa : J’habite rue Defly et si tu veux voir un bon concert tu vas au Volume. Si tu veux bien manger, tu n’as pas besoin de bouger, dans la même rue tu vas au Cibo Bistrot, tu prends l’apéro et leurs spécialités italiennes bios. Et si tu veux des bons cocktails, tu vas au Juke House. Tout est dans la même rue, c’est la meilleure rue de Nice. Et puis, si tu es vraiment en quête de « folie de la night », tu continues la rue Defly et tu tombes sur la rue Garibaldi.
Line : Tu peux même bruncher sur rue Defly (rires).
Quelques mots sur la scène musicale Niçoise ?
Line : Il n’y a pas grand-chose…
Santa : Il y a des groupes, bien sûr, mais pas vraiment d’identité de scène niçoise. C’est d’ailleurs pour ça, je pense, qu’on s’est tournés directement vers d’autres références qu’une scène locale. Et ce qui nous a aidés, c’est internet. On est complètement de la génération internet où on a pu piocher à la fois dans l’histoire de la musique, et dans plein de références. On est très fiers de vivre à Nice, mais il y a tellement peu d’endroits pour se produire, je pense que ça joue aussi sur le fait qu’il n’y ait pas beaucoup de groupes.
Line : On ne peut pas trop répéter ou faire des concerts.
Le mot de la fin ?
Santa : A tout à l’heure
Merci à vous deux.
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Il était environ 21h45 quand les 4 niçois sont montés sur scène. Le set est passé à une vitesse folle tellement il était prenant et on les sentait effectivement heureux d’être sur scène, notamment Santa qui bondissait littéralement. Les morceaux se sont alternés, tantôt calmes tantôt électrisant une foule très réceptive. Ils ont même réussi à faire se lever les gens qui étaient tranquillement assis dans leur fauteuil. Le concert s’est suivi d’une séance de dédicace et de marquage tribal sur visage (juste au feutre, hein) très sympathique avec des fans de tout âge.
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Plus d’infos sur Hyphen Hyphen sur leur page facebook.
Et si vous voulez les (re)voir, sachez qu’ils seront de passage ce samedi 28 novembre aux Abattoirs de Bourgoin Jallieu en compagnie de I am un chien !! et de Superpoze (autre petit génie française de l’électro)
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pas mal ce groupe, à surveiller. Merci pour l’interview.
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