On achève bien les anges – élégies

Depuis quelques années, le festival des Nuits de Fourvière essaie de travailler sur le long terme avec certains artistes pour les fidéliser et leur donner plus de possibilités de création. C’est le cas par exemple avec les 7 doigts de la main, ou encore Circa, le Quatuor Debussy, et dans une moindre mesure des chanteurs comme Dominique A, Damon Albarn ou Patti Smith (qui passe la semaine prochaine) qui viennent régulièrement présenter leur nouveau spectacle au théâtre antique. Et c’est le cas également avec la troupe Zingaro qui présente son dernier spectacle en création mondiale, On achève bien les anges (élégies), dans le Parc de Parilly sur juin et juillet (jusqu’au 18).

Zingaro

J’ai un peu tardé à prendre ma place (et donc à vous en parler), mais pas question pour moi de rater un passage de Zingaro à Lyon. C’est en effet une troupe que j’apprécie beaucoup (en tant qu’ancien cavalier, circassien et même voltigeur) et que je suis depuis longtemps. Je n’ai pas vu tous les spectacles mais presque, y compris un des premiers dans les années 80 (ça ne nous rajeunit pas…).

Pour ce treizième spectacle (en trente ans de carrière, quasiment un tous les deux ans), Bartabas, le créateur de Zingaro, a travaillé avec toute sa troupe, comme à son habitude, sur la thématique des anges (comme son titre le laisse penser). Pour la petite histoire, le deuxième titre, élégies (qui signifie « chant de mort »), a été rajouté pour respecter la cohérence avec les autres spectacles, dont le nom fait chaque fois 7 lettres. Mais ici, les anges sont plutôt en mode fin de règne, façon ange déchu. Ils tombent du ciel dès l’ouverture, et passeront deux heures à essayer d’y remonter, quitte à en perdre les ailes. La mort rode aussi, mais si dans Calacas, le spectacle précédent, elle était vécue de manière joyeuse, comme dans la tradition mexicaine, ici elle est belle et bien sinistre, rehaussée par une bande son tantôt mélancolique (avec de nombreuses chansons de Tom Waits), parfois burlesque (reprise des Doors ou des Pogues par une troupe de clowns qui accompagne un « boucher – confiseur »), mais surtout tragique et magistrale au son des grandes orgues.

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On achève bien les anges, élégies – crédit photo Hugo Marty

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Comme à chaque nouveau spectacle de Zingaro, cette treizième création risque d’en dérouter plus d’un. Sur le thème, d’abord, quelque peu cynique et désabusé avec ces anges un peu perdus, mais également sur la forme. Personnellement, je l’ai un peu ressentie comme un retour aux sources, finalement assez surprenant de la part de Bartabas.

Après une évolution qui tendait de plus en plus vers l’essence de l’esthétique au fil des derniers spectacles de plus en plus épurés (on devinait les chevaux en ombre chinoise plus qu’on ne les voyait dans Darshan par exemple), on revient à un spectacle plus « traditionnel », à base de « numéros » entrecoupés d’interludes musicaux assurés par les clowns.

C’est également le retour de Bartabas, qui n’apparaissait plus sur la piste dans les derniers spectacles et se contentait de s’occuper de la mise en scène. Ici, il est omniprésent (quasiment un numéro sur deux, et souvent tout seul) et campe un personnage qui semble en opposition avec les anges blancs. Peut-être un ange déchu, tout de noir vêtu, ou la mort elle-même, arborant tour à tour une corde de pendu, des ailes déplumées, voire brulées et finit même ivre sur la fin.

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On achève bien les anges (élégies) – Photo Patrick Fouque

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La piste aussi redevient (un peu) plus conventionnelle. Finis les passages derrière les spectateurs, on retrouve le rond traditionnel (probablement 13,50m, la taille universelle), tout de même agrémenté de deux cercles surélevés en escalier. Sur cette grand piste d’enchainent alors des numéros de chevaux en liberté, de voltigeur, de travail aux longues reines, etc… presque classiques. Et c’est ici que les cavaliers préféreront ce spectacle aux précédents, car pas sûr qu’un néophyte repère les tours sur les hanches, les épaules en dedans, passages, piaffers et autres pas espagnol. Encore qu’il suffit en réalité de se laisser porter par la beauté des mouvements, comme s’il s’agissait de danseurs, par exemple, et tout simplement par la beauté des chevaux, tel ce fier arabe qui ne fait que passer à la fin.

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Il ne reste que ce soir et demain pour voir le spectacle dans le cadre des Nuits de Fourvière (vous aviez quand même un mois et demi pour y aller…). Puis à Auch du 21 aout au 9 septembre. Ensuite il vous faudra aller directement au théâtre Zingaro, au Fort d’Aubervilliers à partir du 23 octobre.

Plus d’infos sur le site internet de Bartabas ou sur le site des Nuits de Fourvière.

La photo de Bartabas par Patrick Fouque est issue d’une superbe série sur le site de Paris Match.

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