Il ne vous reste plus que 4 jours pour soutenir le festival Vous les femmes dont je vous ai parlé la semaine dernière, mais aujourd’hui on continue de varier les projets qui ont besoin de votre soutien. Cette fois, je vais vous parler photo avec La théorie des fantômes, le projet d’exposition de Marie Ciuffi.
Marie Ciuffi est une jeune photographe lyonnaise dont vous avez peut-être déjà aperçu quelques clichés si vous avez l’œil attentif. En effet elle a déjà organisé quelques expositions dans des petits lieux lyonnais (L’Escalier, le Sonic, Mlle Major), à Bruxelles ou dans des revues spécialisés américaines et japonaises. Plus récemment et plus proches de nous, ses photos ont également été projetées lors du parcours Résonances de la Biennale d’Art Contemporain à l’automne dernier.
En novembre dernier, elle a remporté un concours de portfolios photo organisé à Tourcoing par le centre de promotion et de création photographique Hélio. A la clé, une exposition à la Galerie Nadar, attenante à la médiathèque de Tourcoing.
Mais attention, il s’agit d’une véritable exposition dans une vraie galerie, il faut donc des tirages de qualité professionnelle. Et c’est là que ça coince, car l’association qui a organisé le concours mets simplement les locaux à disposition. C’est donc pour cette raison que Marie fait appel à votre générosité. En plus, vous pouvez repartir avec une impression, voire carrément un tirage argentique en fonction de votre participation. Tout est expliqué sur le site Kiss Kiss Bank Bank ainsi que sur la page facebook dédiée à ce projet.
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Je devais rencontrer Marie pour lui poser quelques questions, mais cela n’a pas pu se faire suite à des contraintes de planning. Elle a tout de même accepté de répondre à quelques questions par mail :
Who cares : Qu’est-ce qui t’inspire quand tu fais des photos ? Est-ce que tu as des thèmes de prédilection ?
Marie Ciuffi : Je crois que ce qui m’inspire le plus, c’est l’errance, j’ai presque toujours mon appareil sur moi, et je me laisse surprendre par les évènements, les gens, les choses, j’essaye d’être dépaysée le plus souvent possible, de me confronter à des univers différents, et de capter l’émotion qui en ressort.
Les sujets de mes photographies peuvent être un bâtiment comme une personne ou un paysage, j’opère de manière très instinctive, lorsque je suis frappée par ce moment qu’en photographie on appelle « la montée des circonstances », cet instant où le beau et le temps se rejoignent.
Pour ma part j’aime utiliser le mot « illumination », qui évoque un instant baigné de lumière où tout semble aller de soi, c’est à cet instant précis que je presse le déclencheur.
Pas vraiment de thèmes donc, mais un ressenti.
Who cares : Tu dis que tu es autodidacte. Tu n’as jamais suivi de cours même dans un club, une MJC, etc ?
Marie Ciuffi : La photographie s’est imposée à moi comme un vecteur d’idées, d’émotions.
J’ai appris la prise de vue seule, guidée par cette nécessité folle, comme si l’appareil devenait une extension de mon corps.
J’ai bien sûr fréquenté un club photo au Lycée, mais on y apprenait le développement noir et blanc ce qui finalement ne m’a pas vraiment marquée.
Who cares : Comment arrives-tu à une série ? Est-ce que tu fais des photos sur un thème que tu as choisi ou est-ce que tu fais avant tout des photos et tu les regroupe par thème ensuite ?
Marie Ciuffi : Je suis ce qu’on pourrait appeler une photographe cueilleuse, je prends énormément de photos sur lesquelles je travaille longuement, avant de les ajouter à un vivier d’images dont sont ensuite tirés les clichés que j’assemble en une série qui prend du sens.
Ainsi chaque nouvelle série réactive une précédente et engage les suivantes, il n’y a pas de fin.
Who cares : L’expo de Tourcoing présentera ta série La Théorie des fantômes. Peux-tu m’en parler un peu plus ?
Marie Ciuffi : La théorie des fantômes est une série très déterminante pour moi, elle est un genre de manifeste de mon processus de création.
En photographie, on évoque souvent l’idée de mémoire, de représentation du réel.
Avec cette série, je propose des images troublantes, qui oscillent entre rêve et réalité.
Elles sont plutôt de l’ordre du souvenir, incroyablement proches et désespérément lointaines, douces et cruelles à la fois.
Un frisson étrange, une joie incertaine ou un rêve ineffable, ces instants comme des illuminations, et pourtant immédiatement enterrés, essuyés d’un revers de la main, happés par le réel, ce sont ces instants perdus que je veux ranimer.
J’ai choisi de disposer les images de ma série en triptyques, m’inspirant de la forme du Haïku, bref poème japonais qui vise à traduire l’évanescence de la vie en 3 vers courts, instantanés composant une phrase magique, un chemin secret vers l’introspection.
Who cares : Pourquoi ce thème ? Pourquoi ce titre ? Qu’est-ce que tu appelles des fantômes ?
Marie Ciuffi : Les fantômes sont ces instants oubliés dont je parle plus haut, ces spectres de bonheur ou de souffrance qui nous hantent sans cesse et qui parfois au détour d’une rue, frappent sans prévenir.
La photographie d’aujourd’hui clame beaucoup trop l’idée de représentation du réel à mon goût.
Pour moi le sujet photographié n’est pas l’objet qui apparaît à l’image, mais plutôt la perte enregistrée, le fantôme d’un instant.
Je citerai Gilles Mora à ce sujet : « Un moment photographié, c’est toujours un ensemble de circonstances qui ont disparu et dont il reste une photographie qui bien souvent n’en est qu’un faible résidu. »
Who cares : Pour les fans de technique, qu’est-ce que tu utilises comme matériel ?
Marie Ciuffi : J’ai commencé la photographie avec le meilleur appareil qui soit : un Leica R4, reflex argentique avec une optique 50 mm fixe.
Aujourd’hui j’utilise un Leicaflex, avec toujours la même optique, 50 mm, qui est la plus proche de la vision humaine.
J’utilise parfois des autofocus des années 80-90 que j’achète une misère sur les marchés aux puces et qui me permettent une prise de vue rapide, dans toutes les circonstances.
L’idée est d’avoir un matériel de qualité, pratique, pas trop lourd, et qui me permette l’instantanéité de la prise de vue.
Who cares : Est-ce que tu as d’autres séries en cours ou en prévision ?
Marie Ciuffi : J’ai exposé ma dernière série : « Etoile du Matin », lors de l’inauguration de Mlle Major, à Lyon 1er en novembre dernier.
Je travaille actuellement sur une nouvelle série, que j’appellerai « Armistice » et dont on peut déjà voir quelques images sur internet.
Who cares : Quel conseil pourrais-tu donner à quelqu’un qui veut se lancer dans la photo.
Marie Ciuffi : Aujourd’hui, tout le monde fait de la photo.
Il s’agit d’être photographe.
Who cares : Une expo photo à conseiller en ce moment à Lyon ?
Marie Ciuffi : J’ai toujours trouvé que la photographie en tant qu’art était très mal représentée par les galeries lyonnaises.
Dans un autre domaine on peut voir l’impressionnant travail du photojournaliste Miquel Dewever-Plana sur les gangs guatémaltèques à la galerie Item, dans le 1er.
Sinon on peut voir le travail fascinant d’Amélie Zadeh à la galerie Stimultania à Strasbourg, jusqu’à fin Mars je crois.
Who cares : Quels photographes t’inspirent ?
Marie Ciuffi : Nan Goldin, mais aussi Annelies Štrba (NDLR : photographe suisse alémanique) qui travaillent toutes deux sur le rapport entre le particulier et l’universalité avec beaucoup de poésie.
Je me sens assez proche des recherches formelles de Denis Roche, qui a beaucoup écrit sur la photo-biographie, et sur le temps en photographie.
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